La Barrière électrifiée de la Première Guerre mondiale

En 1871, lors de sa défaite contre l’Empire allemand, la France dut céder l’Alsace-Lorraine.

Le 3 août 1914 l’Allemagne déclare la guerre à la France. La reconquête de l’Alsace-Lorraine est à ce moment-là un objectif primordial pour la France. En réalité dans le Sundgau, peu d'habitants souhaitaient la guerre.

Les Prussiens avaient construit de nombreuses voies ferrées, des usines textiles et des usines de métallurgie. L’économie était florissante.

 

Malgré des incursions successives de l’armée française dans le Sundgau, Winkel et toute la partie sud du Sundgau restèrent jusqu’en 1918 sous occupation allemande. Le front s'était stabilisé fin 1914 pour faire place à une guerre de position. Le front français faisait face au front allemand à partir du Largin, un petit bout de territoire suisse qui s'enfonce en Alsace depuis le village de Bonfol et qui correspond au kilomètre zéro du front ouest de la guerre de 14-18.

Trois armées se faisaient face au Largin : les Allemands, les Français, mais aussi les Suisses neutres. La rivière de la Largue délimitait ensuite la frontière entre les deux fronts allemands et français.

 

Pour empêcher les désertions vers la Suisse des Alsaciens sur le point d’être enrôlés dans l’armée allemande ou en permission, les Allemands décidèrent de construire une barrière le long de la frontière germano-suisse, créant ainsi une zone neutre entre la frontière et la barrière.

  

Un point de passage à Winkel
Un point de passage à Winkel

 

L’accès à Bâle est neutralisé en 1914. La frontière suisse est complètement fermée début 1915. A partir du 1er février 1915, les sentinelles et les patrouilles reçurent l'ordre de tirer sur quiconque tenterait de franchir les lignes d'avant-postes.

 

Une première clôture en fil de fer délimitant la zone neutre fut construite dès la fin de 1914. Elle commençait près du Largin, et allait jusqu’au Rhin, entre Village-Neuf et Rosenau, sur environ 45 km de long. Elle fut terminée fin mars 1915. Elle avait 3 mètres de haut. Cette clôture passait au sud des villages d'Oberlarg, Winkel et Ligsdorf.

 

Des points de passage furent aménagés pour se rendre dans les villages en zone neutre. D'après une carte allemande d'octobre 1917, il semblerait que trois points de passage se trouvaient à proximité de  Winkel : un point de passage près de la chapelle Notre-Dame-du-Haut entre Oberlarg et Winkel, un autre sur la route qui mène à Lucelle, et enfin encore un vers la source de l'Ill. Malgré ces portes de passage, il était très difficile de se rendre en zone neutre.

 

 

Extrait d'une carte allemande de 1917
Extrait d'une carte allemande de 1917
Croquis de la barrière électrifiée
Croquis de la barrière électrifiée

 

Cette barrière ne suffisait cependant pas à empêcher toutes les désertions vers la Suisse.

Les Allemands décidèrent donc, en novembre 1916, de construire deux autres clôtures devant la première. La deuxième clôture avait 0,80 m de haut et était constituée de deux fils de fer barbelés.

Entre ces deux clôtures on rajouta enfin une troisième clôture sur laquelle on avait mis trois fils électriques à forte intensité. La barrière fut placée sous surveillance et mise sous haute tension en janvier 1917 à partir du poste de transformation qui se trouvait à Waldighoffen. L’alimentation en électricité n’était pas régulière.

Des personnes continuèrent cependant à tenter de s’évader en Suisse. Certaines furent électrocutées ou abattues. D’autres réussirent à traverser.

 

Cette barrière, dénommée le « Südzaun », a eu d’énormes conséquences sur les habitants des villages limitrophes.Des familles se sont retrouvées subitement séparées pendant toutes les années de guerre. Des soldats permissionnaires issus des villages de la zone neutre se sont aussi trouvés isolés et ne pouvaient plus rentrer dans leur famille !

 

Cela explique, entre-autres, pourquoi les Sundgauviens se sont jetés dans les bras de la France à la fin de la guerre.


La barrière électrifiée à proximité de Winkel
La barrière électrifiée à proximité de Winkel

13  villages se sont retrouvés

prisonniers de la zone neutre,

coupés du Sundgau :

 

Lucelle,

Kiffis,

Lutter,

Wolschwiller,

Biederthal,

Liebenswiller,

Leymen,

Neuwiller,

Hégenheim,

Bourgfelden,

Saint-Louis,

Huningue

et Village-Neuf.

 

Les habitants de ces villages se

sont essentiellement ravitaillés

en Suisse.